Bastogne 1940 à 1945, la Croix-Rouge était active

LA CROIX-ROUGE ÉTAIT ACTIVE

BASTOGNE 1940 à 1945

DES VOLONTAIRES TÉMOIGNENT

20180909_122147

Préface

Il ne manque à ce récit que son environnement de vacarme : crépitement des mitrailleuses, sifflement des obus, explosion des bombes, embrasement des charpentes, effondrement des murs, gémissements des blessés, cris d’horreur et d’angoisse, …

Et dans cet embrasement infernal, il y a, miracle de charité, l’héroïsme simple d’hommes et de femmes intrépides et généreux : « Rien ne nous arrêtait. Nous étions partout où il y avait quelque chose à faire ». Tout l’idéal de la Croix-Rouge est contenu dans ces quelques mots.

Gloire et gratitude infinie à ces femmes et à ces hommes merveilleux qui au risque de leur santé et de leur vie, ravitaillèrent, soignèrent, évacuèrent et rassurèrent leurs concitoyens terrés dans leurs caves ou jetés, dans la neige et le fracas des armes, sur les chemins de l’épouvante.

Ces Femmes et ces Hommes sont l’Honneur de la Croix-Rouge. Pour elle, ces Femmes et ces Hommes doivent être, chaque jour, un rappel d’exigence.

Un grand mérite de ce livret est de raviver ces exigences.

Henri Bosseler

 

1939 – PREMIÈRES MENACES D’UN CONFLIT

AVRIL 1939

Dans la nuit du 12 au 13 avril, une mobilisation fut décrétée.

L’Europe secouée par l’Allemagne nazie, la tension étant à son paroxysme, la Croix-Rouge de Belgique se prépara à faire face aux innombrables responsabilités qui allaient lui incomber.

À Bastogne, la section locale de la Croix-Rouge sous la présidence de Mademoiselle LAMBERT, répondant aux directives du Contrôle central de la Croix-Rouge, créa l’hôpital militaire auxiliaire. Celui-ci fut installé dans les locaux du petit Séminaire. (2)

JUILLET 1939

Il devenait urgent de pouvoir disposer d’un personnel compétent.

Le manque de personnel masculin dont aurait inévitablement à souffrir l’organisation des secours en temps de guerre, incita la Croix-Rouge de Belgique à faire appel à des volontaires féminins pour des tâches auxquelles jusqu’alors elles n’avaient pas été sollicitées. Ce fut la création du Motor-Corps ou service de transport composé essentiellement d’auxiliaires féminins. (6)

Dans la section de Bastogne, des cours furent dispensés. A l’issue de ceux-ci des jeunes filles reçurent leur brevet d’ambulancières. Elles furent immatriculées et protégées en vertu de l’article 9 de la convention de Genève (27/07/29).

Les effectifs s’établissaient comme suit (5) :

A BASTOGNE

Le 2 juillet 1939

ARNOULD Simone
BURNOTTE Marie-Thérèse
D’HOFFSCHMIDT Gabrielle
FRAITURE Gilberte
KUBORNE Marie-Josée
LEMOINE Marie-Josée
MIEST Jeanne
ROLLUS Odilia                   

Le 9 juillet 1939

LEPIECE Marie-Henriette
HEINTZ Rose-Marie
HARDY Camille
ETIENNE Gilberte

CR1

Carte d’identité d’ambulancière Simone Étienne (Collection G. Étienne)

A AMBERLOUP

LE 3 SEPTEMBRE 1939
GUIOT Léa De Nives

AOÛT 1939

Le 27 août la tension internationale augmentant, La Belgique procéda à la mobilisation générale.

SEPTEMBRE 1939

Le 1er septembre Hitler attaqua la Pologne

1940

MARS 1940

LA MENACE DE L’INVASION SE PRÉCISE

Le 24 mars la Croix-Rouge installa l’hôpital auxiliaire n° 15 pour civils au Petit Séminaire. Transféré ensuite au couvent des Pères franciscains (5) sa capacité fut réduite de cent à une douzaine de lits. Toutes les prévisions démontraient en effet que la situation à Bastogne en ferait, en cas de déclenchement d’un conflit, une place de première ligne, ne convenant en aucune façon pour un hôpital important.

Chez les Pères franciscains on ne soigna guère que l’un ou l’autre accidenté. L’hôpital fut supprimé et la Croix-Rouge se réserva l’usage d’une chambre et de la salle d’opération de la clinique en cas de nécessité, la possibilité subsistant toujours de réquisitionner les établissement du Petit Séminaire et de l’Institut des Sœurs de Notre-Dame avec lesquels une convention fut conclue (2).

CR2

CR3

Gilberte ÉTIENNE en uniforme d’ambulancière de la Croix-Rouge (Collection G. Étienne)

MAI 1940

L’INVASION

La résistance des Chasseurs Ardennais, ces troupes d’élite qui devaient, sur la Lys et la Dendre, forcer l’admiration de l’ennemi, ne permit aux Allemands de dépasser Bastogne qu’à l’aube du 11 mai. Nos Chasseurs aux bérets verts moururent par centaines pour la patrie.

L’EXODE

La propagande de terrorisme, savamment préparée par l’ennemi, provoqua l’exode massif de la population vers la France. A Bastogne, sur plus de 5000 habitants, il en restait 3 à 400 au moment de l’arrivée des Allemands.

les membres de la Croix-Rouge eurent des activités diverses. Certains accompagnèrent l’exode de leurs compatriotes et leur rendirent de nombreux et précieux services, tant pendant le voyage et l’exil que durant leur retour de France (2).

Gilberte ÉTIENNE était déjà au service des autres. «Dès notre arrivée en France, à Foix, dans l’Ariège, ma sœur Simone et moi nous sommes présentées dans un lycée de jeunes filles transformés en centre d’accueil pour soldats. Là, nous avons travaillé bénévolement en compagnie de jeunes filles alsaciennes qui ne parlaient pas le français. Quand notre famille décida de rentrer en Belgique étant donné que nous possédions notre brevet d’ambulancière, on nous demanda d’accompagner un train ramenant des réfugiés venant du midi de la France (4)».

De nombreux Ardennais prisonniers, demeurèrent en Allemagne jusqu’à la fin de la guerre travaillant dans des usines ou les fermes allemandes. D’autres furent envoyés dans les prisons ou les camps allemands pour avoir refusé le travail obligatoire. D’autres s’engagèrent dans les mouvements de résistance.

COMMENT FONCTIONNAIT LA CROIX-ROUGE ? AVEC QUI ?

LA CROIX-ROUGE S’ADAPTE TOUJOURS AUX CIRCONSTANCES.

La secrétaire-trésorière, Madame OLIVIER, resta à Bastogne pendant toute la période des 18 jours. Elle assista à l’incendie provoqué par un bombardement allié la veille de la capitulation.

AOÛT 1940

LE 11 AOÛT

Madame OLIVIER organisa le centre d’accueil pour réfugiés. Celui-ci fut tenu par Mademoiselle GÉRARDY et fonctionna pendant toute la période du retour de la population. (5) Ce n’était pas chose facile. Il fallait servir les repas, trouver des logements, non seulement pour la population de la ville, qui voyait ses maisons systématiquement pillées par l’ennemi, mais aussi pour les nombreux étrangers en transit.

Pendant l’occupation allemande de Bastogne, la Croix-Rouge s’occupa principalement de l’expédition des colis aux prisonniers. Sous l’impulsion de Madame OLIVIER, aidée par Madame MORTEHAN et d’autres collaboratrices dévouées, le bureau ne chôma guère. Chaque semaine, les colis s’accumulaient, non seulement pour les prisonniers de Bastogne, mais aussi pour ceux de toute la région avoisinante.

CR4

Colis aux prisonniers (Plaquette 125ème anniversaire Croix-Rouge)

LE  20 AOÛT

La section enregistra l’envoi par Madame OLIVIER, secrétaire, des 20 premiers colis au prisonniers (5).

SEPTEMBRE  1940

LE 25 SEPTEMBRE

425 colis avaient été envoyés

LE 29 SEPTEMBRE

La baronne GREINDL d’Isle-la-Hesse est nommée présidente, en remplacement de Mademoiselle LAMBERT démissionnaire. Pressentie comme telle pour la durée des hostilités, elle resta en fonction jusqu’en 1953. Son bureau fut installé 31, Place du Carré chez Madame OLIVIER. (5)

CR5

La Croix-Rouge confirme l’envoi d’un colis au prisonnier (Collection Léon LIBERT)

1941

FÉVRIER 1941

LE 11 FÉVRIER

Vu les problèmes sociaux et économiques du moment, une association d’aide aux personnes fut créée : Le SECOURS D’HIVER ; Ce groupement veillait à atténuer leurs souffrances morales et matérielles. (5)

MARS 1941

LE 29 MARS

Sous l’occupation allemande, la population des grandes villes subissait des difficultés de ravitaillement et des privations. Ceci amena le Secours d’Hiver à accueillir 115 enfants de la région de Liège. Ceux-ci répartis dans des familles de Bastogne et de la région y demeurèrent pendant 3 semaines. (5)

AVRIL 1941

LE 5 AVRIL

Trois cent vingt enfants furent encore accueillis à Bastogne même et dans son canton, ainsi qu’à Houffalize, Sibret et Fauvillers.

Au cours de l’année 1941, l’envoi de 10.200 colis fut enregistré. Du lait et quelques layettes purent également être distribuées. (5)

La section poursuivit avec ténacité ses efforts pour assurer aux prisonniers et aux malheureux le soutien moral et l’aide matérielle dont ils avaient tant besoin dans les circonstances difficiles de l’époque.

1942

MAI 1942

LE 8 MAI

Des dames et jeunes filles se regroupèrent au sein de l’œuvre des MARRAINES DE GUERRE. (5) Celles-ci allaient correspondre régulièrement avec un soldat, apportant ainsi à chacun une aide morale.

JUILLET 1942

LE 23 JUILLET

Un service médical fut créé par la DÉFENSE AÉRIENNE PASSIVE (D.A.P). Un poste fut installé à l’Institut des Sœurs de Notre-Dame. (5) En cas d’attaque aérienne, les membres de la D.A.P seraient chargés de porter secours aux victimes et de protéger leurs biens.

en 1942, l’envoi des colis aux prisonniers se poursuivit par l’équipe composée comme suit (5) :

Madame Yvonne OLIVIER, trésorière
Madame Henriette MORTEHAN, commissaire de la section
Monsieur Émile MESSENS, adjudant-chef de peloton au 2e Chasseurs Ardennais
Madame Paula LEMAIRE
Mademoiselle Renée GÉRARD
Mademoiselle Henriette GROTENRATH 
Mademoiselle Jeanne DELVAUX

1943

L’occupant réclama la liste des personnes s’occupant de l’aide aux prisonniers. Cette liste fut présentée à la « Kommandantur ». On y retrouva le nom des personnes reprises en 1942 à l’exception de Monsieur Émile MESSENS. S’y étaient ajoutées (5) :

La baronne GREINDL
Madame Germaine FRANÇOIS

FÉVRIER 1943

LE 13 FÉVRIER

Une aide est accordée aux orphelins de guerre et enfants défavorisés des communes de Noville, Nives, Morhet, Remagne, Hompré, Longvilly, Flamierge, Bertogne, Longchamps, Vaux-lez-Rosières, Tillet, Villers-la-Bonne-Eau et Amberloup. (5)

AVRIL 1943

LE 6 AVRIL

Monsieur Marcel ROUSSEAU, instituteur, demeurant 7, avenue Philipart, est nommé chef de mobilisation de la Croix-Rouge. (5)

AOUT 1943

LE 5 AOUT

La première liste des délégués communaux Défense Aérienne Passive (D.A.P) est connue. Ces délégués travailleront, au besoin, de concert avec la Croix-Rouge. (5)

Liste des délégués D.A.P
Monsieur le Cur MENESTRET d'Amberloup
Monsieur LAMBERT, instituteur à BERTOGNE
Monsieur RENARD, instituteur à BOURCY-LONGVILLY
Monsieur Eugène de BONNERUE - châtelain à HOMPRE
Monsieur COLLIGNON, instituteur à FLAMIERGE
Monsieur MOUTON Jules, châtelain à MORHET
Monsieur le Curé HUET à NIVES
Monsieur GILLET à TILLET
Monsieur DETERME à REMAGNE
Monsieur GUILLAUME, instituteur à SIBRET
Monsieur le Curé BERTIN à VILLERS-LA-BONNE-EAU
Monsieur le docteur BERTRAND à VAUX-LEZ-ROSIERES
Monsieur SPODEN à WARDIN
Monsieur LUTGEN, instituteur à NOVILLE

1944

Sous l’énergique impulsion du docteur HOLLENFELTZ Président provincial de la Crois-Rouge qui devait être tragiquement assassiné à la veille de la libération par la gestapo, une nouvel essor fut donné à l’organisation. Des délégués furent nommés dans les différents villages et l’on fit déposer des boites de secours, contenant des bandages et un matériel de premiers soins. Ces boites furent d’ailleurs enlevées par des membres de groupements de la résistance qui en avaient un besoin urgent. (2)

MAI 1944

Bombardement d’un train de munition à Marloie

Au printemps, le bombardement d’un train de munition en gare de Marloie provoqua une explosion sans précédent. Que de dégâts, que de victimes ! Les secours s’organisèrent : un hôpital fut installé à Marche. Le Dr HOLLENFELTZ s’y dévoua avec combien d’autres dont l’équipé volante de chirurgie venue du Centre provincial à Arlon. A Bastogne, la section locale profita de l’émotion du moment pour créer un cours d’ambulanciers et de secouristes (2) dont les services seraient très utiles en cas de catastrophe analogue à celle de Marloie ou de bombardements de la ville.

JUIN 1944

On décida de rouvrir l’hôpital auxiliaire à l’Institut des Frères des écoles chrétiennes à deux pas de l’Institut des Sœurs de Notre-Dame, une solide et vaste construction où un souterrain facilement accessible de la rue pourrait servir de poste de secours (2). Le comité de défense aérienne passive travaillant en coordination avec la Croix-Rouge organisa des équipes de secours de quartier. (5)

Au 27 juin 1944, la liste du personnel de la section Crois-Rouge de Bastogne se présentait comme suit : (5)

BURNOTTE Marie-Thérèse ambulancière
JORGEN Guillaume brancardier
LACROIX Félicie ambulancière
MIEST Jeanne id.
MARECHAL Léonie id.
HOPCHET Jean ambulancier
LOMBO Joseph ambulancier
VANBLEARE André ambulancier
OLAERTS Jean id.
HOLTSMACHER Alice ambulancière
BLEROT Jean ambulancier
Baronne GREINDL
RENAULT Rolande ambulancière
OLIVIER Yvonne ambulancière
NOEL Marie-Augusta ambulancière
DUJARDIN Paule id.
ROLLUS Odilia id.
FORTHOMME Jules pharmacien
BRAEKEN Alphonse ambulancier
BLEROT Charles pharmacien-ambulancier
ETIENNE Simone ambulancière
CROISY Jules ambulancier
LEGER Louis id.
LEMOINE Marie-José ambulancière
MOTYHAN Marie-Henriette id.
HEINTZ Marie-Rose id.
ETIENNE Gilberte id.
HARDY Camille id.
KESTELEYN Maria id.
JONGEN Pierre ambulancier
FRANCOIS Guillaume pharmacien
CHIWY Caroline ambulancière

CR6

SEPTEMBRE 1944

On était prêt pour la libération

LES 9 ET 10 SEPTEMBRE 1944

Bastogne et sa région furent libérées par l’armée américaine.

La libération se passa sans encombre. Bastogne était en fête, les habitants arboraient les drapeaux belges, américains, anglais. Partout c’était la joie, en ville comme dans les villages. Enfin nous étions libérés !

Il n’y eut que quelques accidents suite à un lâcher de bombes incendiaires par un avion en perdition. Quelques escarmouches aux abords de la ville où les Allemands laissèrent 4 SS sur le terrain, tandis que les Américains perdaient 3 des leurs.

Beaucoup d’habitants de la Région de Bastogne ont entendu ces paroles lourdes de menaces : « Dans deux mois nous reviendrons ! ». Ils ne voulaient y voir que l’orgueil exaspéré d’un ennemi enfin désarmé.

CR7

Modèle de lettre de service enjoignant l’ambulancier à rejoindre son poste en cas de mobilisation (coll. J. Croisy)

les Américains installèrent aux alentours de Bastogne plusieurs de leurs hôpitaux sous tentes. Inutile de dire que leurs services très complets n’eurent pas à faire appel à section locale. Bien au contraire, leurs médecins rendirent de nombreux services à la population civile en leur procurant à plus d’une reprise des médicaments inexistants chez nous. (2)

NOVEMBRE – DÉCEMBRE 1944

Hôpital auxiliaire prêt à fonctionner

A l’entrée de l’hiver, l’hôpital auxiliaire de la Croix-Rouge était complètement monté et prêt à fonctionner, mais il manquait le combustible pour le chauffage des locaux. il fut convenu qu’il ne serait ouvert qu’en cas d’épidémie ou autre cas d’urgence, la clinique suffisant pour les besoins ordinaires. (2)

CR8

Hôpital dressé sous tente par l’armée américaine à Savy/Bastogne (Coll. G. Pochet)

 

L’offensive des Ardennes

16 décembre 1944 – 4 février 1945

DÉCEMBRE 1944

Hélas, décembre fit connaitre ce retour redoutable des Allemands que les Américains ne prévirent pas. Sûrs de leur force, confiants en leur matériel, il n’accordèrent aucune attention aux renseignements du contre-espionnage belge, dont ils auraient dû cependant ne pas sous-estimer la valeur. Ni les civils, ni les Américains ne portèrent attention aux rumeurs de parachutage qui se colportaient dans la région. Comme en 1940 la surprise fut totale. (1)

17 DÉCEMBRE 1944 : Nouvel exode !

les premiers réfugiés luxembourgeois venant de Longvilly arrivèrent dans la ville

La Bataille de Bastogne avait commencé !

Elle atteignit en quelques jours son point culminant…

22 DÉCEMBRE 1944

Le matin, Bastogne était encerclée.

Très vite, ce fut l’état de siège avec l’interdiction de sortir des maisons ; La vie s’organisa dans les caves. Trois mois de libération avaient permis à chacun de faire quelques provisions. La population souffrit moins de la faim que de l’obscurité, du froid et de l’inquiétude. Elle vivait dans les caves, les abris, les étables, mêlée aux Américains avec qui elle partageait ses ressources. Soirées interminables, nuits trop longues en ces jours les plus courts de l’année.

L’état de guerre rendit la tâche impossible à la section locale de la Croix-Rouge. Quant à l’hôpital auxiliaire réorganisé et en parfait état de fonctionnement, il fut réquisitionné par le service américain d’ambulances. En effet, le corps médical de 101e division Airborne avait été fait prisonnier par les Allemands dans les environs d’Herbaimont à une quinzaine de kilomètres de Bastogne. (1)

L’hiver fut très rude. Les vaillants soldats américains combattirent jusqu’au bout de leurs forces. Le froid, la neige, le gel, le vent, rien ne leur fut épargné.

Le brouillard empêchant les avions de décoller, les vivres, les munitions, les médicaments commencèrent à manquer.

23 DÉCEMBRE 1944

Parachutage

Enfin le ciel s’éclaircit. L’espoir revint.

Vers midi, ce fut l’inoubliable spectacle des avions larguant les parachutes. Vert, bleu, jaune, rouge, orange, une palette de couleurs sur le sol blanc de neige. Dans le même élan, civils et militaires sortis des caves manifestaient leur joie.

26 DÉCEMBRE 1944

La colonne du Général Patton venant du Sud força l’encerclement par la route d’Assenois.

Cet évènement permit d’espérer l’organisation de services de secours. Ce fut l’œuvre tout d’abord de certains citoyens restés sur place, le chef de ravitaillement, le conducteur de travaux de la ville, certains échevins qui trouvèrent chez les Américains l’aide la plus sûre et la plus efficace. Ceux-ci mirent tout en œuvre pour secourir la population sinistrée tant à Bastogne que dans toute la région avoisinante, leur ravitaillement et leurs transports, leurs services médicaux, rien ne fut épargné. (1)

 29 DÉCEMBRE 1944

l’État-Major de la 101e Airborne avec les généraux TAYLOR et MC AULIFFE s’installa au château d’Isle-la-Hesse chez la baronne GREINDL. La Présidente de la section refusa d’être évacuée mais manifesta aux dits généraux le désir de faire parvenir des nouvelles à la Croix-Rouge Provinciale à Arlon.

Le message fut bien transmis.

CR9

Château de Senonchamps / Isle-la-Hesse Domaine de la Baronne Greindl où s’installa l’Etat-Major de la 101ème Airborne (Coll. Lorenz)

1945

Janvier 1945

5 JANVIER

Les secouristes et ambulanciers allaient pouvoir se mettre au travail.

Dans l’après-midi une ambulance du Motor-Corps de la Croix-Rouge Nationale Belge, conduite par l’intrépide Yvonne Limauge, amenait une équipe d’enquêteurs à Bastogne. Elle repartait le jour même, emmenant des réfugiés et promettant de secourir immédiatement l’Ardenne sinistrée. (2)

9 JANVIER

La Croix-Rouge de Bastogne allait devenir opérationnelle. Ce jour-là, la Baronne GREINDL, habitant Isle-la-Hesse, à l’extrême pointe de la poussée allemande obtint l’autorisation des Américains de se rendre à Bastogne.

CR9.1

Motor Corps de la Croix-Rouge (Plaquette 125ème anniversaire de la Croix-Rouge)

CR9.2

Photo du laissez-passer permettant aux membres de la Croix-Rouge de circuler et délivré dès le 9 janvier par le Civil Affairs Office. Ce document permit enfin à la section Croix-Rouge de Bastogne de s’organiser sur le terrain (Coll. G. Étienne)

La maison au centre de Bastogne (Place du carré) où se trouvaient les bureaux avait été coupée en deux par une bombe de fort calibre (la Croix-Rouge se réinstalla dans les ruines en été 1945). Les médecins et le personnel de bureau étaient partis ou évacués. (2)

Pour la section locale de la Croix-Rouge, tout était à faire

Immédiatement, chacun se mit à l’œuvre

Il fallut avant tout chercher un nouveau local

Celui-ci fut offert par les Sœurs de Notre-Dame dont l’Institut avait résisté à l’incendie et aux bombardements. Il abrita, pendant de longs mois, non seulement le bureau de la Croix-Rouge et son centre d’accueil avec dortoir pour les personnes de passage, mais encore simultanément un hôpital américain, le bureau des affaires civiles, les services paroissiaux, le Fonds National de Secours aux Sinistrés, les bureaux de la Défende des Populations Civiles et un nombre variable, mais toujours considérable, de réfugiés. Ensuite s’y ajouta l’équipe des démineurs. (1)

Équiper ce local

La première action consista à aménager le local. Il fallut remplacer les vitres brisées avec des emballages en carton de boîtes de conserves américaines. Par-ci, par-là, un papier transparent huilé laissait filtrer un rayon de lumière…

Pour le matériel de bureau, à la guerre comme à la guerre ! La maison voisine était la papèterie abandonnée des demoiselles DEPIENNE, propriétaires évacuées. On entra par la vitrine brisée et l’on se ravitailla en matériel de première nécessité : encre, papier et crayons. A leur retour, ces demoiselles ne se formalisèrent pas de ce sans-gêne. (1)

Comment recruter du personnel !

La Croix-Rouge rechercha ses membres encore sur place. Elle accostait dans la rue ambulancières, secouristes, boys-scouts et leur demandait de se rendre au local. (2)

CR9.3 Mademoiselle Gilberte Étienne, ambulancière (Coll. G. Étienne)

PREMIER TRAVAIL : NOURRIR LES RÉFUGIÉS ET SINISTRÉS

La Baronne GREINDL se rendit à Arlon. Elle y rencontra le Président provincial de la Croix-Rouge. Ensemble, ils envisagèrent les mesures à prendre. A Arlon, suite à une collecte de porte en porte, une ambulance fut remplie d’objets divers qui, dès les jours suivants furent dristribués aux populations des villages les plus éprouvés. (3)

Pour nourrir les réfugiés arrivant du champ de bataille il n’y avait ni vivres ni vaisselle. Les vivres furent ramenées par une ambulancière qui s’en alla demander les surplus aux cuisiniers américains des environs. On trouva la vaisselle dans une quincaillerie épargnée par la bataille. (1)

Melle Gilberte Etienne – 26 ans à l’époque – se souvient :

Ne pouvant rejoindre Bastogne, notre maison étant brûlée, notre famille fut hébergée chez la Baronne GREINDL, au château d’Isle-la-Hesse. Elle nous invita aussitôt à travailler avec elle. Dès le 9 janvier, l’autorisation de circuler nous étant accordée, la baronne, ma sœur Simone et moi-même sommes venues à Bastogne nous rendre compte de la situation. Les premiers trajets se firent à pied, ensuite en jeep avec les Américains.

Tout manquait, à commencer par le combustible. On ramassait tout ce qu’on trouvait – des bûches pour faire du feu – parfois en les subtilisant aux Américains qui souvent les reprenaient le lendemain.

De Senonchamps nous venions au Centre d’accueil avec de la nourriture récupérée auprès des Américains (crêpes, conserves de fruits,etc.). Le jardin du pensionnat procurait des légumes d’hiver.

Rentrée à Bastogne, chez une cousine avenue Phillipart, je voyais des Américains revenant du front ; des blocs de boue sautant des camions. Ils portaient les meubles des maisons abandonnées pour faire du feu, se réchauffer. Quelques heures après, coup de sifflet, ils repartaient. (4)

AUTRE TRAVAIL : SOIGNER LES BLESSÉS OU LES MALADES

En plus de la subsistance au réfugiés, il fallut soigner de nombreux blessés et improviser un dispensaire. Seuls deux médecins civils se trouvaient à Bastogne, les docteurs Alphons HEINTZ et Charles GOVAERTS.

Dès les premiers jours de la bataille plusieurs jeunes filles de Bastogne apportèrent leur aide au service médical américain débordé : Andrée GIROUX, Madame HARDY et deux infirmières, Augusta CHIWI et Renée LEMAIRE. Celles-ci travaillant dans des hôpitaux, la première à Louvain, la seconde à Bruxelles, profitaient de quelques jours de congé pour rendre visite à leur famille lorsque la bataille se déclara.

Un tout jeune médecin, assistant à l’hôpital de Bavière répondit immédiatement à l’appel de son père. C’était le docteur Albert HEINTZ qui aujourd’hui témoigne :

Mon père demeura à Bastogne durant tout le siège ainsi que le docteur Charles GOVAERTS. Ce dernier qui habitait le bas de la ville rendrait principalement visite aux personnes réfugiées dans les caves du Petit Séminaire tandis que mon père habitant rue de Neufchâteau donnait des soins aux réfugiés abrités dans le couvent des Pères franciscains situé avenue de la Gare et dans les caves de l’Institut des Sœurs de Notre-Dame. Il fut amené également à soigner des blessés américains regroupés dans les caves, rue de Neufchâteau, des maisons PEIFFER et GÉRARD (Sarma). Cette dernière tristement célèbre car c’est là que fut tuée la jeune infirmière bastognarde Renée LEMAIRE alors qu’elle soignait les blessés américains au moment ou une bombe toucha la maison qui fut la proie de flammes.

Le travail ne manquait pas. Ces deux médecins étaient débordés. Dès qu’il fut possible de pénétrer dans Bastogne, répondant à l’appel de mon père, je vins aussitôt le rejoindre.

Nous avons travaillé en collaboration avec le MOTOR-CORPS de la Croix-Rouge, notamment avec Melle DARGENT, belle-sœur du docteur Charles GOVAERTS, la doctoresse BRACQUIEZ que notre famille connaissait pour avoir caché sa fille chez nous durant toute la guerre, mais aussi avec Mademoiselle FAMENNE la dévouée présidente de la Croix-Rouge à Florenville.

L’équipe bastognarde comptait alors une vingtaine de personnes parmi lesquelles les docteurs GOVAERTS et HEINTZ, Mr et Mme WIlmet, Jean et Roger DOMS, Jean FORTHOMME, Mme MORTEHAN, la baronne GREINDL et ses deux filles, Simone et Gilberte ÉTIENNE, Marie-Louise LOTHAIRE, Hervé COLLET, Ernest PETIT, etc.

Tous se dépensèrent inlassablement. Ils n’hésitèrent pas à se rendre chaque jour dans les endroits les plus exposés.

Souvent il fallait héberger les réfugiés pour la nuit et ensuite les diriger en camions vers les centres d’accueil dans les régions les plus sûres. Bertrix et Paliseul avaient été choisis pour les réfugiés valides. Les hôpitaux de Virton et d’Arlon et plus tard ceux de Neufchâteau, Libramont et Marche pour les malades et les blessés.

L’aide s’organisa. La Croix-Rouge fut soutenue et assistée de toute manière par le bureau des « Affaires Civiles » de Bastogne et par le lieutenant HOYT et ses subordonnés dont il convient de signaler l’admirable dévouement. Ils organisèrent les transports. Ils conduisirent une colonne de camions de l’armée française mise généreusement par celle-ci au service des réfugiés belges. (2)

TOUT CELA AU PRIX DE QUELLES DIFFICULTÉS !

Un service intensif de transport fut assuré par le Motor-Corps. Le magnifique courage de ces femmes, Yvonne LIMAUGE, Cécile BRICOURT et combien d’autres fut digne des meilleurs éloges.

Toutes travaillèrent avec un total dévouement et pendant plusieurs mois dans toute cette région si éprouvée, sans se laisser arrêter ni par le temps, ni par les routes de plus en plus mauvaises, ni par les dangers ni même pas les maladies. (2)

Un jour l’ambulance du Motor-Corps rentrant la nuit tombante, glissa dans un fossé. C’était presque échouer au port ! Il fallut des chevaux et des chaînes pour la sortir de l’ornière. La bise sifflait, les chaînes gelées brûlaient la peau lorsqu’on les touchait. A l’horizon, le ciel flamboyait, les Allemands en retirant avaient mis le feu à une grosse ferme dont il ne resta pas pierre sur pierre. On entendait le grondement du canon, le sifflement des balles, le crépitement des mitrailleuses, mais cela importait peu à des demoiselles du Motor-Corps qui ne pensaient qu’à dégager leur lourd véhicule ! (1)

POUR LES SECOURISTES ET AMBULANCIÈRES LA TÂCHE ÉTAIT TOUT AUSSI ARDUE

CR9.4

Les scouts et les membres de la Croix-Rouge travaillent ensemble. 1er rang : G. Étienne, Mme Wilmet, M.Bohomné, R Doms. 2ème rang : J. Doms, J. Hanozet, J. Forthomme (Coll. Jean Doms)

CR9.5

Groupe des décorés en 1946 : 1er rang : Mr Wilmet, H. Grotenrath, G. Étienne, J. Miest. 2ème rang : Abbé Vincent, Baronne Greindl, Y. Olivier, Melle Famenne, Mme Wilmet, M-L Lothaire, E. Petit. 3ème rang : Docteur Govaerts (Coll. G. Étienne)

Laissons encore la parole à Melle Étienne :

«  Je n’avais plus de chaussures, j’avais les pieds gelés. Au dépôt des Américains j’ai trouvé des chaussures trop grandes (2 pieds gauches ou 2 pieds droits ? ainsi que des chaussettes trouées. C’était de la récupération. Je marchais comme je pouvais. Un jour un camion américain passa m’obligeant à me mettre sur le côté de la route d’Arlon, dans la boue, jusqu’au-dessus des chaussures. Je n’arrivais plus à en sortir. Les Américains sont descendus du camion et, en me soulevant par-dessous les bras, ils m’ont dégagée. J’étais éclaboussée de boue. Ma grande écharpe américaine était recouverte de petites aiguilles formées par la boue et le givre. De tout cela on riait !

Rien ne nous arrêtait. Nous étions partout où il y avait quelque chose à faire.

Melle FAMENNE, Présidente de la Croix-Rouge de Florenville était venue en renfort avec un camion. C’était un personnage ! Elle fonçait dans les trous en criant « Attention ! » mais c’était déjà trop tard… Sur place on soignait les malades atteints par la gale, la diphtérie, les poux. Les infirmières faisaient les injections. Nous, ambulancières, on badigeonnait d’un produit blanc les plaies provoquées par la gale.

Nous avons ainsi visité les villages de Bras, Wardin, Lutrebois, Villers-la-Bonne Eau. Nous devions rejoindre les maisons à pied. Il était impossible pour le camion de passer sur ces routes semées de trous et jonchées de cadavres allemands !

On distribuait au gens qui n’avaient plus rien, des vêtements provenant d’un dépôt américain, vêtements souvent troués qui choquaient parfois quand on pensait qu’ils avaient appartenu à des militaires blessés ou tués.

Un jour, j’ai trouvé deux caisses contenant des insecticides. Ce fut un aubaine pour les gens qui avaient des poux.

Une autre fois on a attendu une ambulance du Motor-Corps durant une nuit et un demi jour. On s’inquiétait, on s’interrogeait. L’infirmière-chauffeur était partie seule et le véhicule s’était embourbé. Elle est revenue à pied. A partir de ce jour-là, un convoyeur l’accompagna.

Nous n’étions plus aidés par les services de santé américains. Les médicaments venaient de Bruxelles où Melle FAMENNE allait les chercher directement au Centre de la Croix-Rouge de Belgique. »

CR9.6

Mesdemoiselles Famenne et Étienne (Coll. G. Étienne)

Du Centre de la Croix-Rouge de Bruxelles, les secours affluaient tant en personnel qu’en matériel. Des ambulancières volontaires, comme les demoiselles VAN HECCHS, DE PRET, ROOSE, vinrent se mettre à la disposition de la section, soit pour travailler sur place au centre d’accueil, soit pour aller dans les villages voisins lutter contre la maladie qui sévissait.

Melle VAN LIER, Melle MAKENBEECK, Melle GERONEZ se multiplièrent pour les enquêtes ou pour amener les médicaments, vaccins antidiphtériques, anti-gales et les pansements dont le besoin était très grand. (2)

L’HORREUR DE LA GUERRE

Dans les villages, la situation était pire qu’à Bastogne. Les routes impraticables les rendaient souvent inaccessibles. Les gens vivaient par dizaines ou vingtaines, les uns dans les caves, d’autres dans des étables, des poulaillers, des fours à pain, les rares bâtiments épargnés par la mitraille. Ils n’avaient pas de lumière. Or c’était bien l’hiver et les jours étaient très courts. Pas de savon, pas de bougies, pas d’eau potable ni de linge de rechange ! Pour beaucoup la précieuse des ressources se trouvait être les équipements abandonnés par les Américains sur le champ de bataille. Les pommes de terre et la farine qui constituaient la nourriture ne manquaient pas. Il restait du bétail, quoique beaucoup de bêtes aient péri dans la bataille.

Des communes entourant immédiatement Bastogne, celle de LONGCHAMPS était la mieux épargée, sauf sa section de MANDE SAINT-ÉTIENNE sur la route de Marche presque entièrement détruite.

A CHENOGNE, 34 maisons n’existaient plus. A SENONCHAMPS il n’en restait plus que 10 sur 27. Au centre de SIBRET même, les 3/4 des maisons étaient en ruines.

Mais que dire des villages de WARDIN et BENONCHAMPS, de MAGERET qui comme NOVILLE avait été le théâtre d’effroyables combats de chars, et de VILLERS LA BONNE EAU dont les habitants errèrent un mois entier sans abri dans la ligne de feu, de LONGVILLY si cruellement éprouvé également.

Trois jeunes infirmières accoucheuses accomplirent une magnifique besogne dans les villages de HOMPRE, et SIBRET. Ce sont les demoiselles DELFORGE, VAN DE VEN et BOCKHOLTZ. Leur besogne était écrasante.

Les médecins de la place furent bientôt secondés par le docteur GENET et la doctoresse BRACQUIEZ qui travaillaient précedement à Saint-Vith. Ils réalisèrent des prodiges de courage et d’abnégation. Citons encore Monsieur BACHAUS et le docteur MEERMANS.

Par n’importe quel temps, le jour, la nuit, en ambulance, en camion, en jeep, ils s’en allaient parfois sur les routes, infatigables, intrépides. Parfois on les alertait trop tard et c’est un cercueil en plus qu’il fallait amener du centre sur le lieu de secours.

Un jour, ils furent mandés pour une femme qui avait la poitrine percée par une balle ; Un autre fois pour deux petits enfants qui avaient passé des jours et des nuits dans une étable avec soixante autres sinistrés. Ils les emmenèrent car ils avaient la gale et la diphtérie ! Le lendemain ce fut ce pauvre homme avec trois jeunes enfants qu’il fallut secourir. La maman avait été tuée dans la bataille, et il ne leur restait rien ; la maison n’existait plus. Un des enfants, une petite fille, encore sous l’effet de la terreur, ne voulait pas quitter les bras de son frère, un petit bout d’homme de huit ou neuf ans. Elle pleurait dès qu’il s’écartait, tendait les bras vers lui et n’acceptait que de ses mains, de boire ou de manger quelque chose. (1)

Marie-Josée VAN DE VEN, 24 ans, venait de terminer ses études d’infirmière accoucheuse. Déjà elle s’était mise au service des résistants à Remience et Morhet. Lors de la bataille des Ardennes, dans la même région, elle poursuivit sa tâche rendue combien difficile et périlleuse.

CR9.7 Marie-Josée VAN De VEN, infirmière-accoucheuse (Coll. M-J Van De Ven)

Elle nous dit :

«  Un jour je fus arrêtée par des Américains qui m’emmenèrent au Quartier Général. J’y restai plusieurs heures.  Finalement convaincus, après avoir inspecté le matériel médical que je transportais, ils me délivrèrent un laissez-passer. Il fallait aider les mères à mettre leur bébé au monde et dans quelles conditions ! Il n’y savait pas de médecin civil. Heureusement lorsque des complications se présentaient, je pouvais compter sur l’aide des Américains ; jour et nuit ils se déplaçaient.

C’est à leur contact que j’ai connu de nouveaux vaccins et de nouveaux médicament dont la pénicilline. Ils me fournissaient aussi les pansements. Les Américains n’entraient jamais dans une famille où un malade était contagieux. Entre les accouchements je soignais les malades et blessés. Les Américains me fournirent un équipement : bottes, pantalon et anorak.

Lorsque l’ont pu atteindre Bastogne ils me conduisaient en jeep ou en ambulance mais je ne pouvais circuler dans la ville. Ils me déposaient au couvent des Pères franciscains. Là, je rencontrais la baronne GREINDL et d’autres membres de la Croix-Rouge, les demoiselles ÉTIENNE, Melle FAMENNE. La Croix-Rouge me fournissait tout ce dont j’avais besoin selon une liste que je leur transmettais. Les routes étaient très dangereuses et en mauvais état, il fallait éviter les mines et on tirait de toutes parts. Parfois ils roulaient tellement vite que la jeep se retournait dans la neige. Lors de mon premier voyage on me donna un revolver en m’expliquant son fonctionnement. Cette arme m’effrayait plus que tout. Le voyage me parut une éternité. Je croyais que je n’aurais jamais pu m’en servir.

Un jour dans l’ambulance, des corps étaient étendus sur des civières sous des couvertures, je voyais des pieds mais je n’ai jamais rien vu bouger. Je me demandais s’il s’agissait bien de blessés ! J’en fus très impressionnée. » (4)

LES AUTRES MISSIONS !

Un service de renseignements

Du centre du pays, venaient des demandes de renseignements de tous ceux qui comptaient des leurs dans la tourmente, et les malheureux sinistrés lançaient eux-aussi des SOS aux membres éloignés de leur famille en état de les aider.

La Croix-Rouge mettait à jour également les listes des blessés et évacués avec leurs nom et adresse, mais avec quelles difficultés, beaucoup de ceux-c ayant été emmenés par les Américains ou par les Allemands.

Il fallait essayer de retrouver les disparus, transmettre des nouvelles vers le centre du pays et vice-versa. Le bureau postal improvisé fonctionnait ferme et tous les moyens de transmission de message étaient employés. On se renseignait auprès des émissaires en mission dans les villages et on transmettait aux familles des lettres venues de l’intérieur du pays…

Quand un villageois arrivait, on le questionnait sur ses concitoyens : « Sais-tu ce qu’est devenu un tel ? ». Et la réponse venait laconique : « Il va bien »? Ou bien  : « Il a été emmené par les Allemands » ou « Par les Américains. Il était blessé, voyez-vous ». Parfois c’était pire : « Il a été tué ! » et le répertoire des victimes, un cahier gris, se remplissait.

« Nous avions au bureau des photos, d’ailleurs pour des recherches d’identification. On n’osait pas les montrer de but en blanc, l’on s’informait d’abord prudemment, adroitement. » (1)

Ce service postal n’était pas autorisé, mais quelle reconnaissance les intéressés ne témoignèrent-ils pas à la section locale pour l’avoir maintenu quand même.

Les lettres arrivaient d’un peu partout, par camions civils (HANSEZ-COURTHEOUX) et militaires. Elles étaient triées à la Croix-Rouge puis portées à domicile par ses membres aidés des scouts. (2)

Melle G. Etienne en garde un souvenir émouvant : (4)

« J’allais porter deux lettres pour des personnes réfugiées dans l’étable de la ferme BECHOUX (coin rue de Neufchâteau, avenue de la Gare).

Je suis entrée, on aurait dit une crèche vivante de Noël. Les gens étaient assis sur des caisses ou des chaises. Dans le fond, des vaches et un maman tenant son bébé qui pleurait. La maman enveloppée dans un grans châle noir, le bébé dans une couverture. Cela m’a donné un choc en entrant. Ces vaches, ces bêtes qui réchauffaient… Il ne manquait que le baudet ! »

Quel réconfort ce service postal clandestin n’a-t-il pas été pour tant de cours inquiets !

Un jour, une demande parvint de l’hôpital de Longwy. Deux femmes étaient amenées mourantes, relevées sur le champ de bataille par les Américains. Pas de renseignements, si ce n’est deux noms épinglés sur les deux robes : « Suzanne Differding » et « Pauline Corbelle ». Aucune des deux ne repris connaissance avant de mourir, mais Pauline dans son délire de cessa de répéter : « Bastogne – Lavacherie »

Des recherches dans ces deux communes ne donnèrent aucune indication sur les lieux d’origine des victimes.

Dans les mois qui suivirent, un douanier de Wardin vint s’enquérir de l’absence de sa belle-mère disparue dans les combats. C’était Pauline Corbelle, mais le détail singulier, cette femme n’avait séjourné que très provisoirement à Lavacherie au temps de sa lointaine jeunesse. Pourquoi ce nom fut-il le seul que, mourante, elle ait prononcé 50 ans plus tard ? (1)

RAPATRIER LES ENFANTS DE LA VILLE…

Après quatre années de privations, ils étaient venus, pour se refaire une santé dans les villages accueillants de toute l’Ardenne, dans les mois qui précédèrent l’offensive. Il y en  avait partout, à Longchamps, à Mabompré, à Givroule, à Sales, à Tronle… Maintenant, les parents inquiets les réclamaient et le camion s’en allait, sur les routes défoncées, vers les villages détruits, aux clochers éventrés. Les arbres fauchés par la mitraille dressaient vers le ciel leur maigre tronc décapité. C’était une image de mort et de désolation. Parfois la route était barrée par un char en panne. Puis, c’était souvent une sc!ne d’adieu touchante ; les parents adoptifs avaient tant de peine à se séparer du petit gosse à eux confié et pour lequel ils avaient toujours su trouver, même au plus fort de la bataille, la miche de pain ou le bol de lait. Parfois ils étaient allés traire les vaches au péril de leur vie. Il était là le petiot emmitouflé dans son passe-montagne américain, chaussé de ses snow-boots militaires trois fois trop grandes et enroulé dans une couverture kaki. La camionnette s’en allait ensuite par les routes enneigées vers le village suivant. En route, l’ambulancière contait pour distraire ce petit monde, l’éternelle histoire du chaperon rouge. A l’avant, le chauffeur cramponné à son volant manœuvrait, pour éviter, malgré les chocs et les ornières, les mines amorcées, disséminées partout. Si la lourde voiture en avait heurté une, ce n’était même plus des petits cercueils qu’il eut fallu ! (1)

16 JANVIER 1945

A Bastogne, les canons se taisent…

Pour les habitants de Bastogne et de toute cette région sinistrée, endeuillées, un autre bataille allait commencer : SURVIVRE !

Il y avait, ces malheureuses victimes des mines et des pièges laissés par les Allemands, dans les champs, les bois, les maisons mêmes, dans certains villages. Une fois, ce fut un petit garçon a la jambe arrachée qui mourut exsangue en arrivant à l’hôpital. C’était le fils unique d’un père prisonnier en Allemagne.

Fin janvier, les délégués des communes qui se réunissaient chaque semaine au centre d’accueil réclamèrent avec insistance l’arrivée d’un service de déminage et des mesures urgentes pour enterrer les cadavres dont la présence allait constituer un danger sérieux d’épidémies au printemps.

Une équipe de défense passive venue de Liège avec le lieutenant BODEUX vint se mettre à la disposition des communes pour le travail pénible de l’enterrement des cadavres.

Une équipe de démineurs volontaires arriva assez rapidement et fonctionna avec son chef le lieutenant HAZEE, dans des conditions vraiment héroïques. A défaut de place et de cuisine, elle fut mise sous la protection de la Croix-Rouge.

Parfois, ces soldats de l’héroïque équipe volontaire de démineurs étaient victimes de leur courage. Ils arrivaient effrayants, défigurés, méconnaissables, souffrant les pires tortures lorsque, brûlés au phosphore, de leurs blessures profondes émanaient encore des fumerolles blanches.

On serrait les poings de rage impuissante, on pleurait de dépit ne sachant rien faire pour les soulager !

CR9.8

Les démineurs et les membres de la Croix-Rouge (Coll. G. Étienne)

Quatre d’entre eux périrent au champ d’honneur pour sauver la vie de leurs concitoyens. (2)

Melle Étienne :

« Les démineurs venaient au Centre d’accueil. On leur faisait à manger. Certains se sont fait tuer. Nous étions tristes, ils faisaient partie de la famille. » (4)

FÉVRIER 1945

Les premiers  colis arrivèrent à la Section

Le Fonds de secours aux sinistrés (F.N.S.S.) travailla de son mieux pour distribuer les colis avec le plus d’équité possible. La Crois-Rouge reçut, elle aussi, une aide matérielle dont elle put disposer en faveur des cas particulièrement douloureux et urgents.

Une série de villes et de communes du pays non sinistrées adoptèrent Bastogne et les villages voisins. C’est ainsi que de Bruges on vit arriver à Bastogne des dons en quantité remarquable. Il y eut aussi des quêtes organisées dans certains bâtiments d’instruction.

En février, une chanson historique et folklorique composée à Bastogne par Hervé COLLET fut vendue au profit de la Croix-Rouge et des scouts en vue de récolter des fonds. (7)

Le manque d’habitation demeurait un point critique. Des baraquements furent montés pour reloger des familles sans abri. Ils étaient insuffisants bien sûr, mais grâce à eux, la vie renaissante fut moins rude à supporter.

Un nouveau service devait encore s’ajouter :

Le rapatriement des prisonniers

Durant ces quatre années de guerre, beaucoup de foyers furent divisés. Des épouses attendaient un mari. Des enfants attendaient leur père que, parfois, ils ne reconnaissaient pas. Des mères étaient séparées de leurs adolescents. Les uns avaient été envoyés dans les prisons, les forteresses, les camps allemands, d’autres dans les usines, les plus chanceux dans les fermes.

Ils revinrent petit à petit. Ce fut une joie de pouvoir les accueillir.

Avec l’aide des scouts qui se montraient à la hauteur de leur tâche, nous ne regardions, ni à la dépense, ni à la nuit, ni aux heures supplémentaires de travail, pour faire gagner à ces malheureux de retour dans leur foyer une heure d’avance sur l’horaire.

Nous faisions plus que le maximum et nombreux sont les prisonniers qui furent reconduits jusqu’au seuil de leur porte, grâce à la Croix-Rouge, aux scouts, et grâce aussi à certains taxis qui s’offraient généreusement pour ce service. (7)

Melle Étienne poursuivait son travail. (4)

« En ambulance, nous allions chercher les prisonniers à Libramont. Nous les amenions au Centre d’Accueil et le lendemain nous les reconduisions chez eux. En entrant dans les villages, nous chantions un chant spécial. Pour l’accompagnement, on tapait sur des caisses. Parfois, c’était tragique, il fallait annoncer aux familles le décès d’un époux, d’un père ou au prisonnier d’un membre de famille. Je me rappelle qu’on a ramené Mr GRANDJEAN. Il ne savait pas que son papa avait été tué. Personne ne savait où il se trouvait. Ce n’est qu’au dégel qu’on retrouvé son corps. »

CR1

Des volontaires du Centre d’Accueil : Melle Mortehan, Mme Wilmet, Melle G. Étienne, Melle S. Étienne (Coll. G. Étienne)

NUTS ou l’encerclement de Bastogne

Chanson composée par Arthur Liégeois, paroles de Hervé Collet de Bastogne et vendue au profit de la Croix-Rouge et des scouts de Bastogne

cr3

APRÈS LA TOURMENTE

Dans son indomptable énergie, le vaillant peuple ardennais cramponné à son sol reconstruisit ses demeures. Dans les champs où se cachaient encore de dangereux engins, l’homme reprit en main le manche de la charrue. Travaillant ferme dans une région toujours en ruines, il ne ménagea aucun effort. La vie reprit faisant oublier qu’en Belgique, ce fut l’Ardenne qui, voici 50 ans, connut la folie meurtrière du dernier combat.

cr4

Diplôme de reconnaissance (Coll. N. Veriter)

cr6

cr5